Trois questions à… Daniele Bianchi
Spécialiste en droit international, européen et agroalimentaire, Daniele Bianchi* a donné une conférence à l’Hôtel de ville de Tours en décembre 2017. à l’invitation de l’association Europe Val de Loire, il a présenté son dernier livre « Comment lire l’étiquette d’un aliment… et reconnaître faux produits naturels et vrais produits chimiques ! »**.
1. Pour commencer avec un exemple concret, pourriez‑vous nous parler de la présence ou non d’Ogranismes Génétiquement Modifiés en Europe ?
« Tout d’abord, il existe une législation européenne qui prévoit l’obligation d’indiquer sur l’étiquette des produits la présence ou non d’OGM. Dès qu’un OGM est utilisé comme un ingrédient, il faut une autorisation pour sa culture, son utilisation et sa commercialisation. Aujourd’hui, il y a deux OGM qui sont autorisés pour la culture en Europe : une pomme de terre et un maïs. La pomme de terre en question n’est plus produite, la société productrice a même transféré toute son activité de recherche génétique en dehors de l’Union. Lorsqu’elle a été autorisée, certains ministres ont convoqué la presse en expliquant que leurs concitoyens ne mangeront jamais de « frites OGM ».
L’OGM en question était une pomme de terre destinée à la production de papier de luxe (billets de banque, papiers officiels). Donc pas pour la consommation humaine. Il reste donc un maïs que seuls l’Espagne et le Portugal produisent. Le maïs en question est utilisé pour faire des aliments pour animaux. Donc à nouveau, il n’est pas destiné à la consommation humaine. Bien sûr, on vous dira que l’on va quand même en manger parce que l’on mange les animaux ensuite. Aujourd’hui, la science nous dit qu’il n’y a pas de transfert de restes ADN qui arrive dans le produit consommé par l’être humain.
Le consommateur doit plutôt s’informer de la présence de sucres en surabondance, d’additifs et d’arômes chimiques… »
2. Comment la protection des consommateurs est‑elle intégrée à la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union européenne ?
« Dans la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union doit tenir compte de la protection des consommateurs. Cette protection est garantie par l’article 12 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui prévoit que les exigences de la protection des consommateurs sont prises en considération dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques et actions de l’Union.
Deux points peuvent ici être mis en avant. D’une part, que la protection des consommateurs figure parmi les politiques publiques de l’Union, et ce, en complément du principe de précaution qui est l’un des principes fondamentaux de l’Union. D’autre part, que l’Union tient à la protection des consommateurs à un point tel que ce n’est pas simplement une politique à part entière au sein des politiques publiques, c’est aussi, au même titre que la protection de la santé et de l’environnement notamment, une politique transversale. Autrement dit, à chaque fois que l’Union met en œuvre une politique ou une action, celle-ci doit prendre en considération la protection des consommateurs. »
3. Quels conseils pourriez-vous donner aux consommateurs en tant qu’expert en droit alimentaire mais également consommateur ?
« Rappelons que l’alimentation est un thème essentiel et incontournable dans la lutte pour la survie. Consommer sainement ne peut pas être aujourd’hui l’apanage d’une classe sociale aisée, mais le choix de n’importe quel consommateur éduqué, informé et conscient de son rôle. En lisant l’étiquette des produits européens, vous devez pouvoir faire le choix d’acheter des produits qui sont de véritables aliments pour nourrir votre corps et non pas des produits artificiels reconstruits en usine, comme la plupart des produits transformés ou boissons rafraîchissantes, qui n’ont d’autre effet que de remplir votre corps : de véritables mixtures d’arômes et d’additifs industriels, de sucres et d’édulcorants, le tout bien présenté et faisant l’objet de massives campagnes publicitaires.
Ensuite, je dirai qu’il faut apprendre à regarder l’étiquette d’un aliment non plus comme une simple décoration de l’emballage mais comme une véritable source d’informations. Dans la jungle des mentions, obligatoires ou pas, des médailles, macarons, des allégations et la savane de pur marketing dont les imprimés envahissent les moindres recoins des emballages des produits alimentaires, il n’est effectivement pas toujours évident pour le consommateur de trouver son chemin. »
* Les opinions exprimées sont propres à l’auteur et ne peuvent pas être attribuées aux institutions pour lesquelles il travaille.
** Comment lire l’étiquette d’un aliment… et reconnaître faux produits naturels et vrais produits chimiques, par Daniele Bianchi, ed. Les points sur les i (Collection “Suivez le guide”).
Cet article est tiré du magazine “L’Europe en Sarthe : Des consommateurs européens soucieux d’une alimentation de qualité”. En savoir +
Article mis à jour le 22/03/2018