Garantie jeunes, des fonds européens aux missions locales

La Garantie Jeunes, méconnue du public et de ses potentiels bénéficiaires

Le 1er janvier 2017 la Garantie Jeunes est étendue à l’ensemble de la France, après une période d’expérimentation entre 2013 et 2015. Cette mesure en faveur de l’emploi des jeunes offre désormais la possibilité aux 16-25 ans en situation de précarité de bénéficier d’un accompagnement personnalisé d’un an afin de construire un projet professionnel. Si ce dispositif s’ajoute désormais aux multiples outils français pour faciliter l’accès à l’emploi, il s’inscrit également dans les efforts déployés depuis de nombreuses années par les institutions européennes pour lutter contre le chômage des jeunes en Europe.

 

“Pour les jeunes de 16-25 ans en situation de grande vulnérabilité sur le marché du travail, le Gouvernement a mis en place la Garantie jeunes. Le dispositif, entré en vigueur en janvier 2017, donne à ces jeunes la chance d’une intégration sociale et professionnelle grâce à un parcours intensif de formation et d’accès à l’emploi” Extrait de la présentation du gouvernement


Un dispositif testé en France depuis 2013

La Garantie Jeunes s’adresse aux moins de 25 ans, qui ne bénéficient des aides d’Etat que sous certaines conditions (comme le Revenu de Solidarité Active). La différence d’aide et d’accompagnement expose davantage certains jeunes à la précarité, en particulier lorsque ces derniers n’ont jamais suivi de formation professionnelle. C’est précisément cette catégorie que vise la Garantie jeunes. La Commission européenne l’a mise en évidence en 2010 dans ses indicateurs économiques sous l’acronyme « NEET ». Les individus  « Not in Education, Employment or Training» c’est-à-dire sans diplôme, emploi ou formation, représente plus de 20% en moyenne de la population des pays membres de l’Union européenne âgée entre 15 et 24 ans. En 2013 en France, cela représentait quelques 1.9 millions de NEET selon le Conseil d’analyse économique, soit 17% des jeunes Français.

En 2013, la Garantie Jeunes est expérimentée dans 10 départements. Concrètement, elle consiste à accompagner les jeunes pendant 1 an dans leur projet professionnel, auquel participent les missions locales, les acteurs économiques locaux et l’État via un soutien financier mensuel. Les objectifs visés sont de faciliter l’accès à une pluralité d’expériences professionnelles et de formations, par exemple au travers de stage.

Au 1er janvier 2017, le dispositif est étendu partout en France, y compris dans les départements d’outre-mer. L’extension progressive du “test” de la Garantie Jeunes a permis d’atteindre en 3 ans 100.000 jeunes en situation de précarité, jusque là exclus de toute aide pour l’emploi de la part de l’État.

Cette période d’expérimentation a démontré sur le terrain l’intérêt (atteindre les jeunes en situations précaires) et les difficultés (orientation, communication et inégalités des services) de la Garantie Jeunes. En s’attaquant au manque de diplôme et d’expérience, le dispositif prévoit un véritable parcours d’insertion professionnelle pour le bénéficiaire. Il repose dans les faits d’une part sur un accompagnement individuel et collectif du jeune confié aux missions locales, et d’autre part sur une garantie de ressources par l’État.

 


Les missions locales au premier plan

Le réseau des missions locales est constitué de structures d’accueil remplissant une mission de service public pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. Elles apportent des réponses aux questions d’emploi, de formation mais aussi de logement et de santé. Leur rôle a été institutionnalisé, en les intégrant au Service Public de l’Emploi, et elles sont financées par les fonds publics (subventions et apports en nature) ou européens (tel le Fond Social Européen). Les missions locales sont chargées du repérage, de l’accueil, de l’information, de l’orientation professionnelle et de l’accompagnement des jeunes rencontrant des difficultés d’insertion pour construire avec eux un projet professionnel et de vie. Leurs prérogatives et spécialisation sur la question des difficultés à trouver un emploi en font des interlocuteurs privilégiés pour les NEET et donc pour la mise en place de la Garantie jeunes.

L’État s’engage de son côté à pourvoir les jeunes d’une aide financière de 461,72 euros mensuels, aide également financée par les fonds européens. En 2017, le gouvernement prévoit de consacrer 918 millions d’euros à la Garantie Jeunes, en plus des 54,9 millions en provenance du FSE et de l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes (IEJ).

La Garantie jeunes répond en fait aux engagements d’une autre “Garantie européenne pour la jeunesse“, qui consiste elle à inciter les États de l’Union européenne à proposer des solutions nationales au chômage des jeunes. Les institutions européennes jouent donc un rôle dans la mise en place des programmes de “garantie jeunes”, dont l’exemple français, notamment par le biais de financements ciblés.

 


A l’origine… une impulsion européenne !

La crise économique a touché en particulier les jeunes Européens, diplômés comme non-diplômés. Le fort taux de chômage de ces derniers a contraint les institutions européennes à proposer de nouvelles mesures communes aux États membres. La Commission européenne adopte en décembre 2012 un paquet de mesures nommé « Emploi jeunes ». Celui-ci inclut notamment une “Garantie européenne pour la jeunesse” à destination des NEET âgés de 15 à 24 ans, visant à ce qu’il leur soit proposé une « offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte de leur emploi ou leur sortie de l’enseignement formel». Le 28 février 2013, le Conseil des ministres européens de l’Emploi et des Affaires sociales adopte cette “Garantie pour la jeunesse”, dans le but de renforcer l’Europe sociale. Le document recommande déjà aux États membres que “tous les jeunes de moins de 25 ans devraient pouvoir bénéficier d’une formation permanente, d’un stage ou d’un contrat d’apprentissage, dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi”. Le Conseil européen des chefs d’État valide et entérine la mesure en juin 2013. La Garantie européenne pour la Jeunesse représente davantage la volonté de s’engager de la part des États qu’un véritable programme comme la Garantie jeunes en France. La Garantie européenne est au contraire le cadre commun à partir duquel les Etats conçoivent leurs mesures de lutte contre le chômage des jeunes. Et pour preuve que les institutions s’investissent sur ce sujet, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker a fait part dans son discours sur l’état de l’Union du 14 septembre 2016 de sa volonté de continuer à déployer la garantie pour la jeunesse dans toute l’Europe.

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La Garantie européenne pour la jeunesse gère les fonds européens dédiés à lutter contre le chômage des jeunes. Elle est financée à même hauteur par deux fonds différents : l’« Initiative pour l’emploi des jeunes » (IEJ) et le Fond social européen (FSE). L’IEJ consiste en un outil de financement visant un soutien ciblé des jeunes de moins de 25 ans vivant dans les régions où le taux de chômage des jeunes était supérieur à 25 % en 2012. Créé en 2013, il fournit une dotation spéciale affectée à l’emploi des jeunes de 3,2 milliards d’euro à la Garantie européenne pour la jeunesse. Le FSE fournit également 3,2 milliards d’euro, ce fond-ci soutenant plus généralement les projets locaux de soutien à l’emploi. À eux deux, l’IEJ et le FSE ont débloqué ainsi 6,4 milliards d’euros pour la période 2014-2020 pour la Garantie européenne pour la jeunesse (pour l’ensemble des pays membres) .

À partir de 2013, les États membres ont donc été invité à mettre en place des mesures nationales répondant aux objectifs de la Garantie européenne pour la jeunesse, et financées en partie par cette dernière. Le dispositif  de la “Garantie jeunes” constitue bien la réponse française aux incitations de l’Union européenne. La France a ainsi reçu 310,16 millions d’euro en retour pour mener à bien son projet sur la période 2013 – 2016.

À titre de comparaison, pour la même période, l’Italie a reçu 567,51 millions d’euro, la Pologne 252,44, la Grèce 171,52, et certains pays n’ont pas jugé nécessaire de faire appel au programme européen, tel l’Autriche ou le Luxembourg, pour financer leurs mesures.  Si tous les pays ont été invités à présenter un programme de soutien au travail des jeunes, tous ne font appel à la Garantie européenne pour le financer. Ainsi, le Luxembourg, les Pays-Bas,ou l’Autriche, au vue de performances plus satisfaisantes que la moyenne d’après la Commission, ne bénéficient pas des fonds européens dans ce domaine. Les différences d’allocation s’expliquent elles par la différence de taux de chômage des jeunes entre les pays, du nombre d’individus que cela représente, ou des programmes déjà mis en place.

La Garantie jeunes fait donc désormais partie des outils à la portée des jeunes Français en recherche d’emploi malgré des conditions de vie difficiles. La portée européenne de la Garantie pour la jeunesse permet ainsi d’harmoniser les conditions d’accès à l’emploi entre les différents pays, et ce malgré les différences structurelles de leurs marchés du travail respectifs. Les ambitions communes de ce programme pour les NEETs ne doivent cependant pas faire oublier la réalité de la Garantie jeunes, et en particulier du rôle joué par les missions locales auprès des bénéficiaires.