Plan Juncker : à quoi sert le plan d’investissement européen ?

Le plan Juncker est “pour l’instant un succès”

Depuis 2014, Guillaume Roty est attaché économique à la Représentation en France de la Commission européenne. Pour mieux comprendre le plan d’investissement lancé par l’Union européenne, nous lui avons posé nos questions.

Le Plan d’investissement entre dans sa dernière année d’exécution, quel bilan tire aujourd’hui la Commission européenne des premiers projets soutenus ?

Le bilan est pour l’instant très positif : le plan d’investissement a été lancé très rapidement et fonctionne maintenant à plein régime. Au deux tiers de l’existence du plan, nous sommes exactement en ligne avec nos objectifs puisque nous avons mobilisé 2/3 de notre objectif de 315 milliards d’euros d’investissement. Au niveau européen, ce sont plus de 210 milliards d’euros d’investissements nouveaux répartis dans tous les pays européens ! Mais plus que les résultats chiffrés, l’important c’est que les projets financés sont utiles et apportent une contribution à la reprise de la croissance en Europe et aux grands défis auxquels l’Union européenne doit faire face. Un des grands succès du plan est le financement des PME : près de 430 000 PME européennes vont bénéficier d’un financement pour leurs projets d’innovation ou de développement et nous aidons les PME dans tous les pays, aussi bien en France ou en Allemagne qu’en Grèce, au Portugal ou en Italie, où l’accès au crédit pour les PME est un frein très important à la reprise. Le plan d’investissement permet aussi de financer de nombreux projets dans le domaine de la transition énergétique (comme le déploiement des énergies renouvelables ou le financement de la rénovation énergétique du bâtiment) : cela représente plus de 20% des montants mobilisés ! Enfin, le plan d’investissement est un vrai accélérateur pour les projets d’innovation des entreprises et pour la transition numérique.

Il accompagne notamment le déploiement des réseaux très haut débit en Europe. Enfin, contrairement à une idée reçue, le plan d’investissement bénéficie à tous les pays européens, et pas seulement aux plus grands Etats-membres. Si on regarde relativement à la taille des économies, les plus grands bénéficiaires du plan sont la Bulgarie, le Portugal, l’Estonie ou encore la Lituanie! Une des preuves du succès du plan est que l’Union européenne discute en ce moment de sa prolongation de 2 ans (jusqu’en 2020) et de l’augmentation de son objectif (500 milliards d’euros investis en 2020).

Qu’est-ce qui fait de la France l’un des pays qui obtient le plus de financement du plan d’investissement ?

Beaucoup de projets français ont en effet bénéficié du plan d’investissement depuis sa mise en œuvre : plus de 45 projets ont déjà bénéficié d’un prêt ou d’une participation via le plan d’investissement. À la fin juin 2017, le Fonds européen d’investissement stratégique (le bras “financier” du plan d’investissement) avait directement investi plus de 4 milliards d’euros dans ces projets qui représentent un total de 20.6 milliards d’euros d’investissements. C’est considérable et cela participe au rebond de l’investissement en France. Grâce au plan d’investissement, il y a aussi plus de 72 000 PME qui vont bénéficier d’un accès au crédit facilité, notamment des PME innovantes qui ont généralement du mal à accéder au crédit bancaire grâce à plusieurs accords que nous avons passés avec Bpifrance, les Banques populaires ou encore la Banque postale. La première raison de ce succès est bien sûr la qualité et le nombre de projets d’investissement en France. Il y a aussi eu un important travail d’information et d’explication sur ce nouvel outil qu’est le plan d’investissement fait par la Banque européenne d’investissement et la Commission avec le soutien du gouvernement français.

Avez-vous déjà des retours sur l’effet levier des premiers projets soutenus ? Cet effet de levier sur la croissance et l’emploi est-il bien garanti ?

L’un des grands objectifs du plan d’investissement est de soutenir des projets qui sont aujourd’hui trop risqués pour voir le jour avec uniquement un financement classique. C’est la logique de l’effet de levier : l’Europe investit dans un projet grâce au fonds européen d’investissements stratégiques en “couvrant” une part du risque du projet, ce qui permet à d’autres investisseurs de participer au projet et ainsi de le “débloquer”.

L’objectif était de créer un effet de levier de 5 : c’est-à-dire que quand l’Europe investit 1 euro dans un projet, d’autres investisseurs apportent au moins 4 autres euros. Cette logique nouvelle pour les fonds européens est pour l’instant un succès. Sur l’ensemble des projets financés en Europe, l’effet de levier est au niveau attendu : le fonds européen d’investissements stratégiques a investi près de 40 milliards d’euros qui ont permis de mobiliser un total de 210 milliards d’euros d’investissement. Cela fait un effet de levier légèrement au-dessus de notre objectif de 5. Mais l’objectif du plan est bien sûr avant tout de dynamiser la croissance et l’emploi en Europe. Même s’il est encore trop tôt pour évaluer précisément les effets du plan d’investissement, car beaucoup des projets financés vont seulement “sortir de terre” cette année, la situation économique s’améliore en Europe : l’investissement a redémarré et le chômage diminue maintenant dans tous les pays européens.


Et en région Pays de la Loire

Pourquoi, alors que l’UE intervient massivement sur notre territoire national (ici le cas de l’investissement), le grand public souffre-t-il d’une méconnaissance quasi-totale de cette très forte intervention européenne en France ?

C’est vrai que l’Europe est très présente dans les territoires, notamment pour investir dans l’économie locale, à travers le plan d’investissement mais aussi d’autres programmes comme Horizon 2020 (le programme de recherche européen) ou les fonds structurels. Pour la région Pays de Loire, l’Europe mobilise plus de 170 millions d’euros par an de fonds structurels et d’investissements, qui financent notamment des programmes d’accès à l’emploi, de développement économique mais aussi d’aménagement rural sur tout le territoire de la région. Mais cette présence est souvent trop discrète. Un des principaux obstacles est que la plupart des investissements européens sont “intermédiés” : ils sont en fait réalisés par des partenaires, la Région dans le cadre des fonds structurels, ou des banques commerciales pour les PME dans le cadre du plan d’investissement par exemple. Mais il est vrai aussi que l’Europe ne communique pas assez sur ses réalisations auprès des citoyens. C’est pourquoi une organisation comme la Maison de l’Europe Le Mans – Sarthe est essentielle pour expliquer sur le terrain à quoi sert l’Europe et ce qu’elle fait.

Imaginons que je sois un chef d’entreprise ligérien, vers qui puis-me me tourner directement pour en bénéficier ?

Tout dépend en fait de la nature et de la taille du projet. Pour les PME, pour une demande de financement qui peut aller de quelques milliers d’euros à quelques millions d’euros, il faut s’adresser à une des institutions partenaires du plan d’investissement européen, la liste est disponible en ligne sur le site “l’Europe est à vous – Financement”. Il faut alors prendre contact avec ces partenaires (en général des banques) et demander un financement comme on demanderait un financement bancaire classique. Mais grâce au soutien européen, les chances des succès sont plus importantes !

Pour les projets de plus grande envergure (plusieurs millions d’euros et plus), il faut s’adresser directement au bureau de la Banque européenne d’investissement à Paris. Mais dans tous les cas, vous pouvez demander un accompagnement ou des informations au réseau Entreprise Europe, des experts locaux sur les programmes européens pour les entreprises. Pour la région Pays de Loire, le réseau Entreprise Europe est hébergé à la Chambre de Commerce et d’industrie de la région.

Article publié le 09/10/2017