Erasmus+ c’est aussi pour les professionnels de l’enseignement

En Finlande, un professeur s’inspire des méthodes d’enseignement nordiques

Enseignant au Mans, Baptiste Quéron est parti en février 2017 grâce au programme Erasmus+. En effet, le programme n’est pas uniquement proposé aux étudiants ou aux volontaires ! C’est un programme qui s’adresse également aux professionnels de l’enseignement. Ainsi, Baptiste Quéron a participé à une formation professionnelle en Finlande avec une dizaine de collègues sarthois, dans le cadre d’un programme de mobilité de personnel scolaire du premier degré de l’Union européenne.

Erasmus+ ne serait donc pas qu’un programme réservé aux jeunes ? S’il faut effectivement avoir moins de 30 ans pour prendre part à un Service volontaire européen (SVE), ou être inscrit à l’université pour partir en échange universitaire, Erasmus+ comprend également des programmes de mobilité dédiés aux enseignants et au personnel des établissements d’enseignement du premier degré, sans condition d’âge.

Récit de Baptiste Quéron qui a bien voulu revenir pour nous sur son expérience nordique. Entretien.


“En Finlande dans les écoles, les élèves sont comme à la maison”

Bonjour Baptiste, avant de partir en Finlande connaissiez-vous déjà ce programme de l’Union européenne ?

Le centre de formation des enseignants français venus en Finlande avec Baptiste.

Je suis enseignant depuis 2002. J’ai fait la majeure partie de mon temps en Éducation Prioritaire, notamment en tant que directeur. Avant de partir en Finlande, j’ai déjà pu mettre en place dans mon établissement un projet Erasmus avec l’Italie, l’Espagne et l’Irlande, sur la thématique des chants et danses folkloriques. Le point d’orgue était le déplacement de 3 classes dont une ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire) en Irlande avec d’autres classes des pays partenaires. Un moment inoubliable !

Actuellement, j’ai deux mi-temps. Sur mon premier mi-temps je forme les enseignants sur un domaine interdisciplinaire qui est le numérique (je suis Référent numérique). J’accompagne la mise en place des usages du numérique au service des apprentissages pour les écoles de la circonscription de Le Mans Nord Coulaines. Et dans l’autre mi-temps, je suis Coordonnateur d’un réseau d’Education Prioritaire (REP+) sur le secteur du collège Costa-Gavras au Mans.

C’est dans ce contexte de formateur que j’ai pu bénéficier du programme Erasmus+, et partir avec d’autres formateurs (des Conseillers pédagogiques de circonscription, des Conseillers pédagogiques départementaux, des Inspecteurs de l’Education Nationale, une Directrice d’Ecole d’Application, « Plus de Maître que de Classes » et d’autres Référents numériques) en Finlande.

 

Pourquoi est-ce que la Finlande a été choisie comme lieu de mobilité ?

La Finlande a été choisie car ce pays a des résultats excellents en ce qui concerne l’enquête PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves). Celle de 2015 a mis en évidence le très bon score de la Finlande, 5ème du classement sur 70 pays, alors que la France n’est classée que 26ème.

Avec les personnes qui composaient mon groupe, nous voulions découvrir les usages innovants dans leurs pratiques pédagogiques et mieux comprendre cette 5ème place au classement PISA. Pour cela, nous avons visité des établissements finlandais dans la commune de Huittinen : de la crèche jusqu’à l’université. De nombreux reportages relatent les réussites des Finlandais, cependant je n’ai pas voulu me documenter expressément pour me faire une opinion par moi-même, sur place.

L’autre objectif était de parfaire mon niveau d’anglais. Je crois beaucoup à l’immersion dans un pays étranger pour apprendre une langue, et une langue vraie : celle qui permet de se débrouiller, de se faire comprendre et d’arriver à communiquer avec les autres (partager ses expériences, comprendre celles des autres). Nous avons bénéficié de cours de conversations anglaises avec des finlandais et un professeur sud-africain.

Enfin, le dernier objectif qui n’était pas explicite dans mon esprit était de créer un groupe de partage avec les 12 autres personnes qui ont pu bénéficier du programme en France, mais aussi avec nos collègues finlandais !

 

Quelles étaient les conditions pour bénéficier de ce programme ?

Vestiaire d’une classe finlandaise. Les élèves s’habillent chaudement pour faire face au climat de la Finlande.

Pour bénéficier de ce programme, les Conseillères Pédagogiques Départementales Langues Vivantes de la Sarthe ont lancé une invitation à tous les formateurs de la Sarthe. Après en avoir discuté avec ma famille, j’ai répondu favorablement à leur invitation. Deux semaines sans papa, ce n’est pas rien !

Il y a eu une réunion d’information et une inscription à formuler. Je devais aussi obtenir une autorisation de mes supérieurs hiérarchiques. Après quelques démarches administratives, j’ai aussi dû avancer l’argent pour le voyage et quelques dépenses prévisionnelles.

Enfin, un mois environ avant le départ à Huittinen, une organisatrice est venue nous préparer au voyage en terres nordiques (climat, nourriture, us et coutumes, programme, organisation matérielle).

 

Que retenez-vous de cette formation Erasmus+ ?

L’école primaire à Huittinen.

Pour prolonger la question précédente et répondre à celle-ci, ce qui m’a le plus marqué ce sont les différences culturelles entre nos pays dits latins et les pays dits nordiques : respect des règles, de la loi, de la communauté, forte identité, etc. Ce qui implique, ou il en découle, le respect des personnes et des droits mais aussi des devoirs pour toutes les personnes privées et publiques !

La Finlande reste un petit pays où tout le monde se connaît. Avec une langue, où il n’y a pas de masculin ni de féminin, où l’emploi de titre pour se parler n’existe pas… Pas de hiérarchie, pas de complexité. De la simplicité, de la confiance. Cela se retrouve dans les établissements scolaires.

Ce que nous avons vu dans les classes, ne relève pas d’une didactique innovante mais d’un climat de classe où les relations des uns aux autres sont simples, basées sur un climat de confiance entre les adultes et les élèves.

La classe de l’école primaire de Huittinen.

D’autre part, nous avons vu aussi une part importante de l’emploi du temps réservé à la création, l’imagination, la fabrication (les apprentissages sont appliqués à la vie quotidienne). Il en ressort une estime de soi importante chez les élèves qui réalisent des œuvres d’arts en dessin, en musique, en technologie, en couture ! Toutes ces œuvres servent à l’embellissement des écoles qui sont le reflet d’un cocon familial : mobilier coloré, fonctionnel, cosy, en bois, à taille humaine, …

L’ergonomie des enseignants est réfléchie, et un ergothérapeute passe régulièrement pour le vérifier. À quand la même chose en France ?

 

Toutes ces expériences vous font-elles vous sentir Européen ?

J’aime voyager à l’étranger, avec ma compagne, nous découvrons un nouveau pays tous les ans. Je me sens universellement humain. Où que j’aille, je me sens chez moi, et à chaque fois que j’en pars, j’échafaude des plans pour pouvoir aller y vivre ! Mais Européen ? C’est une autre question. Selon moi, tant que l’Europe n’aura pas plus de pouvoirs (politique, fiscal,etc.), il sera difficile de se sentir citoyen européen. Des avancées ont eu lieu. À suivre !

Cependant, je reste optimiste car ce sont les programmes Erasmus qui vont permettre de confronter, partager, faire évoluer les cultures, les us et coutumes de chaque pays pour faire une Union européenne !

 

Un dernier mot à ajouter ?

Mur de remerciements des élèves finlandais à leurs professeurs.

En conclusion, j’aimerais souligner que sans calquer le fonctionnement finlandais qui reste lié à une culture (très différente de la nôtre ?), des idées “made in Finland” ont germées dans nos esprits de formateurs et se retrouvent dans nos mots et dans nos actes.

Enfin, je retiendrais quelque chose que les Finlandais ont compris depuis longtemps : si nous voulons améliorer l’école, nous devons laisser la parole aux élèves et aux parents; être à leur écoute. Au début de chaque année et tout au long de l’année, les enseignants lorsqu’ils rencontrent les élèves et leurs parents, leur demande comment ils vont, ce qu’ils aiment, ce qu’ils détestent, ce qu’ils ressentent, ce qu’ils aiment… avant (ou à la place) de leur parler des résultats de leurs enfants !

C’est en partie grâce à ces échanges que les enfants aiment l’école, qu’ils ne décrochent pas et persévèrent !

Kiitos! Nous remercions Baptiste Quéron pour ce témoignage ainsi que ses collègues pour les photos de cette mobilité Erasmus+ en Finlande.

Article publié le 18/07/2017